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LA PHYSIQUE D’ARISTOTE


essentiel de la Physique d’Aristote[1] — trois sortes de mouvements locaux, que nous devrons examiner ; ce sont le mouvement rectiligne, le mouvement circulaire, et le mouvement mixte qui tient de chacun des deux premiers.

Ce qu’Aristote nomme mouvement en ligne droite, c’est ce que les géomètres modernes nomment mouvement de translation ; tous les points du corps mû décrivent, en même temps, des droites égales et parallèles. Le mouvement en cercle considéré par le Stagirite, c’est ce que nous appelons le mouvement de rotation autour d’un axe. Que tout autre mouvement ait été regardé par Aristote comme un mélange du droit et du circulaire, on serait peut-être tenté d’y voir une marque de connaissances géométriques bien superficielles ; mais si l’on veut bien observer que l’un des théorèmes les plus féconds de la Cinématique se formule ainsi : le mouvement infiniment petit le plus général d’un corps solide se compose d’une rotation infiniment petite autour d’un certain axe et d’une translation infiniment petite parallèle à cet axe, on avouera, croyons-nous, que l’intuition du Philosophe avait singulièrement devancé, en cette circonstance, la science déductive des géomètres.

Des trois mouvements qu’il a distingués, Aristote analyse seulement les deux premiers, les mouvements simples dont la composition fournit le troisième. « Ce dernier, en effet, ne saurait être perpétuel si l’un ou l’autre des deux premiers ne peut l’être[2]. Or il est manifeste qu’un mobile mû suivant une ligne droite limitée ne peut être mû d’un mouvement qui se continue perpétuellement identique à lui-même ; il faut bien que ce corps revienne sur ses pas ; et un mobile qui décrit une ligne droite, puis revient en arrière, se meut de deux mouvements contraires ».

Un seul mouvement, donc, peut se poursuivre indéfiniment identique à lui-même, et c’est le mouvement circulaire, le mouvement de rotation. Il apparaît, dès lors, « qu’aucune transformation[3] ne peut être perpétuelle et toujours identique à elle-même, si ce n’est le mouvement local circulaire ; οὔτ’ ἄπειρός ἐστι μεταϐολὴ οὐδεμία οὔτε συνεχὴς ἔξω τῆς ϰύϰλῳ φορᾶς ».

« Tous les corps de la Nature sont mobiles de mouvement

  1. Aristote, Physique, livre VIII, ch. VIII [XII] (Aristotelis Opera, éd. Didot, t. II, p, 358 ; éd. Bekker, vol. I, p. 261, col. b).
  2. Aristote, Physique, livre VIII, ch, VIII [XII] (Aristotelis Opera, éd. Bekker, vol. I, p. 261, col. b ; éd. Didot, t. II, p. 358). — Cf. Physique, livre VIII, ch. IX [XIII] (Aristotelis Opera, éd. Didot, t. II, p. 363 ; éd. Bekker, vol. I, p. 264, col. a).
  3. Aristote, loc. cit. (Aristotelis Opera, éd. Didot, t. II, p. 363 ; éd. Bekker, vol. I, p. 265, col. a).