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LA COSMOLOGIE HELLÉNIQUE


un certain cycle — Κατὰ μέντοι τινὰ τάξιν νομίζειν χρὴ ταῦτα γίγνεσθαι ϰαὶ περίοδον,

» Le principe et la cause de ces alternatives est que les terres fermes ont, comme les plantes et les animaux, leur âge mûr et leur vieillesse. Mais les plantes et les animaux atteignent l’âge adulte ou subissent la décrépitude à la fois en la totalité de leur corps ; la terre, au contraire, n’éprouve ces vicissitudes que parties par parties…

» À tous ces effets, voici la cause qu’il nous faut assigner : De même qu’à des époques distantes d’une année, l’hiver se reproduit, de même, après l’écoulement de temps qui admettent une certaine grande période, se produit un Grand Hiver et une surabondance de pluies. — un certain cycle — Ἀλλὰ πάντων τούτων αἴτιον ὑποληπτέον ὅτι γίγνεται διὰ χρόνων εἱμαρμένων, οἷον ἐν ταῖς ϰατ' ἐνιαυτὸν ὥραις χειμών, οὕτω περιόδου τινὸς μεγάλης μέγας χειμὼν ϰαὶ ὑπερϐολὴ ὄμϐρων

» Certains lieux semblent, au cours du temps, se dessécher davantage ; d’autres, où les eaux sont abondantes, se dessèchent, moins, et il en est ainsi jusqu’au moment où arrive le retour périodique d’un état identique au premier (ἕως ἂν ἔλθῃ πάλιν ἡ ϰαταϐολὴ τῆς περιόδου τῆς αὐτῆς). En effet, puisque l’Univers doit subir un certain changement périodique (ϰαταϐολή) et qu’il ne doit éprouver ni génération ni corruption, car le tout demeure éternellement, il faut, comme nous l’avons dit, que les lieux couverts par la mer ou les fleuves ne soient pas toujours les mêmes et que les terres fermes ne soient pas toujours les mêmes. »

Cette vie périodique qu’impose à la sphère des corps corruptibles le mouvement périodique du ciel, elle ne se reconnaît pas seulement en la perpétuelle alternative des mers et des continents ; les choses les plus diverses éprouvent ce retour cyclique, et les doctrines philosophiques elles-mêmes, après avoir apparu une infinité de fois sous la même forme dans le passé, reviendront une infinité de fois dans l’avenir. « Il nous faut affirmer, écrit Aristote[1], que les opinions émises parmi les hommes reviennent périodiquement, identiques à elles-mêmes, non pas seulement une fois, deux fois ou un petit nombre de fois, mais bien une infinité de fois — Οὐ γὰρ δὴ φήσομεν ἅπαξ οὐδὲ δὶς οὐδ' ὀλιγάϰις τὰς αὐτὰς δόξας ἀναϰυϰλεῖν γινομένας ἐν τοῖς ἀνθρώποις, ἀλλ' ἀπειράϰις. »

Aristote enseigne donc la perpétuelle périodicité de l’Univers plus précisément encore que ne l’ont fait les Indiens et les Chaldéens[2] ;

  1. Aristote, Météores, livre I, ch. III (Aristotelis Opera, éd. Didot, t. III, p. 553 ; éd. Bekker, vol. I, p. 339, col. b).
  2. Voir chapitre II, § X, pp. 67-69.