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LA PHYSIQUE D’ARISTOTE

de la même chose, nous pouvons le répéter sans aucune différence, au sujet d’un grand nombre de retours… Et cela est conforme à la raison ; car, par ailleurs, un autre mouvement, le mouvement du Ciel, nous est apparu périodique et éternel ; nécessairement, donc, toutes les particularités de ce mouvement et tous les effets produits par ce mouvement seront également périodiques et éternels. En effet, si un corps mû d’un mouvement périodique et perpétuel meut à son tour quelque autre chose, il faudra que le mouvement de cette chose soit, à son tour, périodique. Ainsi, la première circulation est périodique et il en est de même de celle du Soleil ; cela étant, les diverses saisons se produisent et disparaissent suivant la même période, et ces circulations se reproduisant suivant une telle loi, il en est de même des choses qui leur sont soumises. »

La conclusion qui se tire de ces principes est assez indiquée : Si les périodes des révolutions célestes sont toutes des sous-multiples d’une meme durée, non seulement, à l’expiration de cette durée, les astres reprendront exactement les positions qu’ils occupaient au début, mais encore le monde des choses corruptibles se retrouvera précisément en l’état où il était lorsque cette durée a commencé ; la vie de l’Univers entier sera une vie périodique, par laquelle des choses de même espèces et des événements semblables se reproduiront une infinité de fois ; la durée de cette période sera le plus petit commun multiple de toutes les périodes des divers mouvements célestes ; ce sera la Grande Année de Platon.

Aristote admet pleinement l’existence de cette Grande Année au terme de laquelle la configuration des terres et des mers, après mainte alternative, redevient ce qu’elle était au début.

« Ce ne sont pas toujours, dit-il[1], les mêmes parties de la terre qui se trouvent sous les eaux ni les mêmes qui sont à sec ; il y a échange entre les lieux submergés et les lieux émergés, grâce à la formation de fleuves nouveaux et à la disparition de fleuves anciens. Il se produit aussi une permutation entre le continent et la mer ; ces lieux-ci ne demeureront pas toujours mer ni ceux-là terre ferme ; là où se trouvait la terre, une mer s’est maintenant formée ; là ou la mer s’étend aujourd’hui, la terre reparaîtra de nouveau.

» Nous devons penser, d’ailleurs, que ces transformations se produisent dans un certain ordre et qu’elles reviennent suivant

  1. Aristote, Météores, livre I, ch. XIV (Aristotelis Opera, éd. Didot, t. III, p. 571 ; éd. Bekker, vol. I, p. 351, col. a, p. 352, coll. a et b).