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LA COSMOLOGIE HELLÉNIQUE


de diversité, le mouvement de l’essence du différent (τῆς θατέρου φύσεως φορά). Pour Aristote, le principe unité devient un principe de perpétuité ; le principe de diversité devient un principe de génération et de corruption.

La primauté et la priorité, admises par Aristote, du mouvement local sur tous les autres mouvements l’ont ainsi conduit à cette conclusion : Toutes les transformations qu’éprouvent les choses sujettes à la génération et à la corruption sont sous la dépendance des mouvements purement locaux des êtres impérissables et immuables ; elles sont toutes régies par les circulations célestes. « Ce monde-ci, dit Aristote[1], est lié en quelque sorte, et d’une manière nécessaire, aux mouvements locaux du monde supérieur, en sorte que toute la puissance qui réside en notre monde est gouvernée par ces mouvements ; cela donc qui est, pour tous les corps célestes, le principe du mouvement, on le doit considérer comme la Cause première. — Ἔστι δ' ἐξ ἀνάγϰης συνεχής πως οὗτος ταῖς ἄνω φοραῖς, ὥστε πᾶσαν αὐτοῦ τὴν δύναμιν ϰυϐερνᾶσθαι ἐϰεῖθεν · ὅθεν γὰρ ἡ τῆς ϰινήσεως ἀρχὴ πᾶσιν, ἐϰείνην αἰτίαν νομιστέον πρώτην. »

De ce principe et de ce texte vont se réclamer tous ceux qui, dans l’Antiquité et au Moyen-Age, prétendront justifier la Science astrologique.

De ce principe, d’ailleurs, Aristote va déduire une conséquence chère à bon nombre de ses prédécesseurs.

Les mouvements locaux des corps célestes sont périodiques ; au bout d’un certain temps, ces corps reviendront aux positions qu’ils occupent aujourd’hui ; or la périodicité des mouvements locaux des êtres incorruptibles entraîne nécessairement la périodicité des effets dont ces mouvements sont causes, c’est-à-dire des transformations produites en la nature corruptible ; les générations, donc, et les corruptions qui se produisent aujourd’hui se sont déjà produites une infinité de fois dans le passé ; elles se reproduiront, dans l’avenir, une infinité de fois.

« La génération, dit Aristote[2], est nécessairement cyclique (διὸ ἀνάγϰη ϰύϰλῳ εἶναι). Il est donc nécessaire qu’elle se reproduise périodiquement ; s’il est nécessaire que telle chose soit en ce moment, il l’est aussi qu’elle ait été auparavant ; et si telle chose est maintenant, il est nécessaire qu’elle se reproduise dans l’avenir ; et cela, indéfiniment, car ce que nous disons de deux retours

  1. Aristote, Météores, livre I, ch. II (Aristotelis Opera, éd. Didot, t. III, p. 552-553 ; éd. Bekker, vol. I, p. 339, col. a).
  2. Aristote, De generatione et corruptione, livre II, cap. XI (Aristotelis Opera, éd. Didot, t. II, p. 467 ; éd. Bekker, vol. I, p. 338, col. a et b).