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LA PHYSIQUE D’ARISTOTE


sera, elle aussi, perpétuelle. Le mouvement local, en effet, produira perpétuellement cette génération en ramenant, puis enlevant ce qui a le pouvoir d’engendrer… Nous supposons, conformément à ce qui a été démontré, qu’une alternative éternelle de génération et de corruption convienne à la nature des choses ; nous disons, en outre, que le mouvement local est la cause de la génération et de la corruption ; dès lors, il est évident que s’il existait un seul mouvement local, la génération et la corruption, qui sont opposées l’une à l’autre, ne pourraient être toutes deux produites par ce mouvement ; car, ce qui est toujours le même et se comporte toujours de la même manière doit naturellement produire toujours la même chose ; il y aurait ou bien toujours génération ou bien toujours corruption. Il convient donc qu’il y ait un certain nombre de mouvements locaux [des choses incorruptibles] et que ces mouvements diffèrent les uns des autres par le sens ou par la vitesse : car aux effets contraires, il faut des causes contraires. Aussi, la première circulation, [celle des étoiles fixes], ne sera-t-elle point la cause de la génération et de la corruption ; cette cause se trouvera dans le mouvement suivant l’écliptique. Ce dernier, en effet, est à la fois perpétuel, et composé de deux mouvements » contraires, le mouvement diurne et le mouvement propre de l’astre suivant l’écliptique. « En effet, s’il faut que la génération et la corruption soient perpétuelles, il faut aussi que quelque chose se meuve d’un mouvement local perpétuel, afin que la génération et la corruption ne prennent jamais fin, mais il faut que ce quelque chose se meuve de deux mouvements, afin qu’il ne se produise pas seulement l’une de ces deux transformations. Le mouvement diurne de l’Univers sera donc la cause de continuité, tandis que l’obliquité de l’écliptique produira alternativement l’apparition et la disparition [du corps qui détermine la génération] ; par elle, en effet, il arrivera que ce corps soit tantôt près et tantôt loin. »

La lecture du Timée, qu’Aristote discute en maint chapitre du Περὶ γενέσεως ϰαὶ φθορᾶς, n’est sans doute pas étrangère à la naissance de l’idée que nous venons d’entendre exposer. Platon, lui aussi, opposait[1] l’un à l’autre les deux grands mouvements du Ciel ; le premier de ces deux mouvements, la rotation diurne, lui apparaissait comme un principe d’unité, le mouvement de l’essence de l’identique (τῆς ταὐτοῦ φύσεως φορά) ; le second, le mouvement des astres errants suivant l’écliptique, lui semblait être un principe

  1. Voir chapitre II, § VII, p. 52.