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LA COSMOLOGIE HELLÉNIQUE


toute catégorie autre que le lieu ; en revanche, parmi les mouvements locaux, nous en trouverons un, le mouvement de révolution, qui peut se continuer indéfiniment : ce mouvement-là sera donc le seul qui puisse affecter des êtres éternels.

Puisque le mouvement local est le seul qui puisse être éternel, il est forcément, dans le temps, avant tout autre mouvement. Il faut bien, d’ailleurs, que le mouvement local précède tous les autres mouvements, car c’est de lui que ceux-ci tirent tous leur première origine.

Avant qu’une substance puisse croître ou décroître, avant que les qualités dont elle est douée puissent éprouver quelque variation, il faut qu’elle soit engendrée. Or, comment une substance pourrait-elle être engendrée, comment, dans une portion déterminée de la matière première, une forme, jusqu’alors en puissance, passerait-elle à l’existence actuelle, s’il ne survenait quelque changement dans les circonstances où cette portion de matière se trouve placée ? Et comment ces circonstances changeraient-elles, siiptelque corps étranger ne s’approchait ou ne s’éloignait de celui qui contient cette matière première ? Ainsi, au point de départ de toute génération, nous trouvons quelque mouvement local.

« Puis donc que la génération ne peut être le premier des mouvements,… il est évident qu’aucun des mouvements qui la suivent ne peut être le premier : par mouvements qui la suivent, j’entends la dilatation, l’altération, la contraction et la corruption, car elles sont toutes postérieures à la génération ; en sorte que, si la génération n’est pas antérieure au mouvement local, aucune des autres transformations ne saurait, d’aucune manière, précéder ce mouvement. »

Toute génération donc, toute variation de densité, toute altération, toute destruction serait impossible si quelque mouvement local n’avait approché ou éloigné le corps dont le déplacement détermine tous ces changements. De même, les générations, les variations de grandeur et de qualité, les destructions qui se produisent au sein de la nature ne sauraient indéfiniment durer si des mouvements locaux perpétuels ne déplaçaient périodiquement les corps immuables et éternels dont l’approche ou l’éloignement détermine toutes ces transformations.

« Il a été démontré, dit Aristote[1], qu’il existe un mouvement local perpétuel ; cela posé, il en résulte nécessairement que la génération

  1. Aristote, De generatione et corruptione, livre II, ch. X (Aristotelis Opera, éd. Didot, t. II, p. 464-465 ; éd. Bekker, vol. I, p. 236, col. a).