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L’ASTRONOMIE PYTHAGORICIENNE

Si nous en croyons les renseignements que nous fournissent Stobée[1] et le De placitis philosophorum faussement attribué à Plutarque[2], Pythagore serait parvenu à débrouiller cette marche, en apparence si compliquée ; il aurait compris que le mouvement du Soleil pouvait se décomposer en deux rotations : de ces deux rotations, la première, dirigée d’Orient en Occident, s’accomplit autour des mêmes pôles et dans le même temps que la rotation diurne des étoiles ; en cette première rotation, le Soleil décrit, sur la sphère céleste, un cercle parallèle à l’équateur : la seconde a lieu d‘Occident en Orient, autour de pôles autres que ceux du mouvement diurne, et elle est parfaite en un an : il y a tout lieu de penser que Pythagore la regardait aussi comme uniforme : en cette seconde rotation, le Soleil décrit, sur la sphère céleste un grand cercle, l’écliptique, dont le plan est incliné sur celui de l’équateur.

Le génie grec, si sensible à la beauté qu’engendrent les combinaisons géométriques simples, dut être singulièrement séduit par cette découverte ; elle fortifia en lui, si elle ne l’y fit germer, l’idée que le Monde, et particulièrement le Monde céleste est soumis aux règles éternelles des nombres et des figures ; elle suscita sans doute, en l’École pythagoricienne, la conviction que les cours des astres, quel qu’en soit le caprice apparent, se laissent résoudre en combinaisons de mouvements circulaires et uniformes ; empruntée aux Pythagoriciens par Platon, transmise de Platon à Eudoxe, cette conviction donnera naissance à l’Astronomie géométrique ; et elle ne cessera de dominer les divers systèmes de cette Astronomie qu’au jour où Kepler aura l’incroyable audace de substituer le règne de l’ellipse au règne du cercle.

Après avoir si heureusement décomposé le mouvement du Soleil en deux rotations autour d’axes différents, Pythagore a-t-il complété sa découverte en décomposant de la même manière le cours de la Lune et des cinq planètes ? Eut-il l’idée de regarder la marche de chacun de ces astres errants comme la résultante de deux rotations, l’une, la rotation diurne, accomplie d’Orient en Occident et identique à celle des étoiles, l’autre accomplie d’Occident en Orient autour des pôles de l’écliptique, en un temps déterminé pour chaque astre et variable d’un astre à l’autre ?

Il est fort possible que l’Astronomie soit redevable à Pythagore de ce nouveau progrès.

  1. Stobæi Eclogæ physicæ, I, (Joannis Stobæi Eclogarum physicarum et ethicarum libri duo. Recensuit Augustus Meineke ; Lipsiæ, 1860. Tom. I p. 138).
  2. Pseudo-Plutarque, De placitis philosophorum lib. II, cap. XII, § 3.