leur blanche sera substituée à la couleur noire ; ce principe permanent,
c’est la capacité qu’a ce corps de recevoir la couleur
blanche et la couleur noire, c’est la puissance à acquérir soit l’une,
soit l’autre de ces deux formes.
Est-ce tout ? Non pas. Si le corps n’était susceptible de recevoir qu’une seule couleur, s’il n’était capable que d’une forme, il ne saurait subir le changement que nous considérons. Tout changement suppose donc que la matière qui l’éprouve est en puissance de deux formes opposées ou distinctes.
Mais, en outre, il suppose que ces deux formes ne sont pas à la fois réalisées d’une manière actuelle en la matière qui éprouve le changement ; si le corps était, actuellement, à la fois noir et blanc, il ne pourrait passer ni du noir au blanc, ni du blanc au noir ; pour qu’il puisse passer du noir au blanc, il faut que la couleur noire y soit réalisée d’une manière actuelle, mais que la couleur blanche, qui y est en puissance, y soit, privée d’existence actuelle. En résumé, en toute chose sensible susceptible d’éprouver un changement, nous distinguerons par abstraction ces trois éléments :
1o Une matière qui est la puissance de deux formes distinctes ;
2o Une de ces deux formes qui se trouve actuellement réalisée ;
3o La non-existence actuelle de l’autre forme.
C’est à cette non-existence de l’une des deux formes dont la matière est capable qu’Aristote donne le nom de privation (στέρησις).
Ainsi se trouve complétée la trinité des principes que la Physique péripatéticienne considère[1] en toute substance susceptible de changement.
La matière (ὕλη est une simple puissance (δύναμις) de deux formes différentes.
La forme (μορφή) est une chose qui existe en acte (ἐντελεχεία).
Enfin, la privation (στέρησις est une simple négation, un par non-être[2] : « (Τὸ μὲν οὐκ ὄν εἶναι… τὴν δὲ στέρησιν καθ’ αὑτήν. »
L’être en acte, le non-être, l’être en puissance sont ainsi les trois principes de tout ce qui change.
Lorsque ces trois éléments, la matière, la forme et la privation, se trouvent réunies en une même substance, d’où vient que cette substance est alors apte au changement ? Où réside, en elle, la
- ↑ Sur la théorie de la privation, voir surtout : Aristote, Physique, livre I, ch. VI, VII et IX (Aristotelis Opera, éd. Didot, livre II, p. 255-258 et 259-260 ; éd. Bekker, vol. I, p. 189-191 et pp. 191-192).
- ↑ Aristote, Physique, livre I, ch. IX (Aristotelis Opera, éd. Didot, t. II, p. 259 ; éd. Bekker, vol. I, p. 192, col. a).