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LA PHYSIQUE D’ARISTOTE


pent en ce moment qu’il y a lieu, pensera-t-on, de procéder de la sorte. Notre supposition sera donc la suivante : La première partie de ce monde qui entoure la terre, celle qui se trouve immédiatement au-dessous de l’essence mue du mouvement de révolution, est une exhalaison sèche et chaude… Ἐπεὶ δὲ περὶ τῶν ἀφανῶν τῇ αἰσθήσει νομίζομεν ἱκανῶς ἀποδεδεῖχθαι κατὰ τὸν λόγον, ἐὰν εἰς τὸ δυνατὸν ἀναγάγωμεν, ἔκ τε τῶν νῦν φαινομένων ὑπολάϐοι τις ἂν ὧδε περὶ τούτων μάλιστα συμϐαίνειν. Ὑπόκειται γὰρ ἡμῖν τοῦ κόσμου τοῦ περὶ τὴν γῆν, ὅσον ὑπὸ τὴν ἐγκύκλιόν ἐστι φοράν, εἶναι τὸ πρῶτον μέρος ἀναθυμίασιν ξηρὰν καὶ θερμήν… »

Le texte que nous venons de citer jette le plus grand jour sur la pensée qu’Aristote concevait touchant le degré de certitude dont la Physique est susceptible ; il permet d’accorder entre eux les passages d’apparence contradictoire que nous avons pu relever dans ses œuvres.

Tant que le physicien se borne à constater les effets soumis à la perception, les choses qui apparaissent aux sens, τὰ φαινόμενα, sa science est en possession de la plus grande certitude qu’il soit donné à l’homme d’atteindre ; mais cette science-là saisit seulement ce qui est, τὸ ὅτι.

Lorsque le physicien veut aller plus loin, lorsqu’il veut saisir le pourquoi, τὸ διότι, des phénomènes, il lui faut supposer des principes d’où les phénomènes découleront à titre de conséquences, et ces fondements (τὰ ὑποκείμενα), ce sont des choses qui ne tombent plus sous les sens (ἀφάνα τῇ αἰσθήσει) ; ils ne sont donc plus connus avec la même certitude immédiate que les phénomènes ; le physicien ne peut plus affirmer que ce sont certainement les causes des phénomènes ; il doit se contenter de les présenter à titre de causes possibles.

La Physique, la science des choses sensibles, peut donc revêtir deux formes : Simple connaissance du τὸ ὅτι, elle est un ensemble d’apparences (φαινόμενα) perçues avec une entière certitude. Science qui aspire à découvrir le τὸ διότι, elle est un système de suppositions (ὑποκείμενα) qui sont simplement possibles. De ces deux formes, celle qui est la plus élevée dans l’ordre d’excellence des sciences est, en même temps, celle qui se trouve le plus bas dans l’ordre de la certitude.

Lors donc que l’on voudra hiérarchiser les sciences considérées comme connaissances des principes et des causes, du τὸ διότι, la Physique, par sa certitude moindre, sera placée au-dessous de l’Arithmétique et de la Géométrie.

Lorsqu’au contraire, on voudra classer les sciences d’après le