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LA COSMOLOGIE HELLÉNIQUE

Incapables de remonter jusqu’à un principe vraiment premier, nous en sommes réduits adonner un point de départ arbitraire à l’histoire que nous voulons retracer.

Nous ne rechercherons pas quelles furent les hypothèses astronomiques des très vieux peuples, Égyptiens, Indiens, Chaldéens, Assyriens ; les documents où ces hypothèses sont exposées sont rares ; l’interprétation en est fort souvent si malaisée qu’elle fait hésiter les plus doctes ; toute compétence, d’ailleurs, nous ferait défaut non seulement pour juger, mais simplement pour exposer les discussions des orientalistes et des égyptologues.

Nous ne rapporterons pas non plus, du moins en général, ce que l’on a pu reconstituer des doctrines des anciens sages de la Grèce ; les minces fragments, parfois d’authenticité douteuse, auxquels leurs ouvrages sont maintenant réduits, ne nous laissent guère deviner comment leurs pensées sont nées les unes des autres, comment chacune d’elles s’est développée[1].

Résolument, c’est à Platon que nous ferons commencer cette histoire des hypothèses cosmologiques ; il est le premier philosophe dont les écrits utiles à notre objet nous soient parvenus entiers et authentiques ; le premier, par conséquent, dont nous puissions, au sujet des mouvements célestes, connaître toute la pensée ou, du moins, tout ce qu’il a voulu nous livrer de cette pensée.

Mais, tout aussitôt, nous voyons apparaître ce qu’il y a d’arbitraire, partant de peu rationnel, dans le choix d’un tel point de départ. Pour comprendre les théories astronomiques de Platon, il ne suffit pas d’étudier Platon, car ces théories ne sortent pas d’elles-mêmes ; elles prennent leur principe ailleurs et dérivent de plus haut. Ce que Platon a écrit touchant les mouvements célestes est constamment inspiré par l’enseignement des écoles pythagoriciennes et, pour bien comprendre l’Astronomie académique, il faudrait bien connaître auparavant l’Astronomie italique.

Nous voici donc amenés à dire quelques mots des doctrines astronomiques qui étaient reçues chez les Pythagoriciens, afin de mieux pénétrer celles que Platon professera.

  1. Le meilleur guide que puisse trouver celui qui désire connaître les doctrines cosmologiques des Hellènes avant le temps de Platon, c’est l’ouvrage suivant :

    Sir Thomas Heath, Aristarchus of Samos, the Ancient Copernicus. A History of Greek Astronomy to Aristarchus together with Aristarchus’s Treatise on the Sizes and Distances of the Sun and Moon. A New Greek Text with Translation and Notes. Oxford, 1913.