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CHAPITRE IV
LA PHYSIQUE D’ARISTOTE

I
LA SCIENCE SELON ARISTOTE


Dès le siècle de Périclès, la pensée hellénique avait conçu avec une admirable netteté cette forme de la Science que nous nommons aujourd’hui Physique théorique ou Physique mathématique : elle avait compris comment le géomètre peut poser, au début de sa recherche, un petit nombre d’hypothèses simples et précises ; comment il peut, sur ces fondements, élever, à l’aide de la déduction, un système apte à sauver toutes les apparences que la perception sensible a reconnues en observant les choses naturelles.

Au système, logiquement construit, que le géomètre a édifié, quelle valeur convient-il d’accorder ? N’est-il qu’un agencement artificiel, habilement combiné en vue de représenter les apparences. mais sans aucun lien avec les réalités que ces apparences recouvrent ? Est-il, au contraire, un aperçu de ces réalités, une vue des choses capable de pénétrer plus loin que la perception sensible ? À cette question, des réponses bien différentes sont données par les diverses écoles.

L’opinion de Platon, en ce point, est fort nette ; entre la perception sensible et l’intuition, moins haute que celle-ci, mais incomparablement. plus élevée que celle-là, se place la méthode géométrique ; tandis que la perception sensible saisit seulement des accidents perpétuellement variables, des apparences qui sont aujourd’hui et qui, demain, auront disparu, la Géométrie connaît