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LES SPHÈRES HOMOCENTRIQUES


principes et, à l’aide de ces nouveaux principes, combinèrent de nouvelles hypothèses ; mais la méthode qu’ils suivirent pour construire de nouveaux systèmes astronomiques ne différa pas de celle qui avait servi à édifier le système des sphères homocentriques.

Cette méthode, on ne tarda guère à la transporter de l’Astronomie aux autres parties de la Physique ; l’auteur des Questions mécaniques attribuées à Aristote tenta de l’appliquer à l’équilibre des corps solides pesants et, à cette science de l’équilibre des solides pesants, Archimède donna une forme rationnelle d’une rare perfection ; cette forme admirable, il l’étendit, en suivant toujours la même méthode, à l’équilibre des liquides et à celui des corps flottants.

Euclide montra de son côté comment la seule hypothèse de l’égalité entre l’angle d’incidence et l’angle de réfraction suffisait à sauver les phénomènes que présentent les miroirs plans, concaves ou convexes.

Ainsi, deux siècles avant notre ère, l’Astronomie, la Science de l’équilibre des poids, une partie de l’Optique avaient pris la forme de théories mathématiques précises, désireuses de satisfaire aux exigences du contrôle expérimental ; beaucoup de parties de la Physique n’ont, à leur tour, revêtu cette forme qu’après de longs siècles de tâtonnements ; mais, pour le faire, elles n’ont eu qu’à suivre la méthode par laquelle les premières étaient parvenues à l’état de théories rationnelles.

L’attribution du titre de créateur de la méthode des sciences physiques a donné lieu à bien des querelles ; les uns ont voulu le donner à Galilée, les autres à Descartes, d’autres encore à François Bacon, qui est mort sans avoir jamais rien compris à cette méthode. En vérité, la méthode des sciences physiques a été définie par Platon et par les Pythagoriciens de son temps avec une netteté, une précision qui n’ont pas été surpassées ; elle a été appliquée pour la première fois par Eudoxe lorsqu’il a tenté, en combinant des rotations de sphères homocentriques, de sauver les mouvements apparents des astres.