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LA COSMOLOGIE HELLÉNIQUE


Jupiter des sphères ramenantes dont le nombre soit inférieur d’une unité à celui des orbes de Saturne ; et c’est ce qu’Aristote dit d’une manière très précise.

Mais, cela fait, les quatre orbes qui meuvent Saturne et les trois sphères ramenantes communiqueront au système de Jupiter un mouvement réduit au mouvement diurne ; il faudra donc supprimer le premier des orbes attribués par Calippe à Jupiter : en sorte que l’introduction des trois sphères compensatrices entre le ciel de Saturne et le ciel de Jupiter devra augmenter seulement de deux unités le nombre des orbes imaginés par Calippe. Cela, Aristote ne l’a pas vu. Sosigène qui, en son traité τῶν ἀνελιττουσῶν, avait fait, du mécanisme des sphères compensatrices, une étude très détaillée, le reproche au Philosophe. « Pour retrouver le nombre qu’indique Aristote, il faut, dit-il, compter deux fois la même sphère. » Simplicius nous a conservé l’analyse[1] et la critique[2] de Sosigène.

Grâce à cette inadvertance, Aristote a mis trois sphères compensatrices entre le ciel de Saturne et le ciel de Jupiter, trois autres entre le ciel de Jupiter et celui de Mars, quatre en chacun des intervalles laissés par les cieux suivants ; il a été amené de la sorte à compter, dans l’Univers, cinquante-cinq orbes distincts ; selon la remarque de Sosigène, il n’en eût dû compter que quarante-neuf.

« C’est seulement de la sorte, déclare le Philosophe, que le mouvement des astres errants parvient à être complètement réalisé. — Οὕτω γὰρ μόνως ἐνδέχεται τὴν τῶν πλανητῶν φορὰν ἅπαντα ποιεῖσθαι.

Ainsi fut donc achevée, au gré d’Aristote, cette Astronomie des sphères homocentriques, appelée à être la première des théories physiques. Pour la première fois, en effet, dans la constitution de cette théorie, on vit le géomètre partir d’un certain nombre de principes simples qui lui étaient donnés d’ailleurs et, conformément à ces principes, construire un système mathématique hypothétique, retoucher, compliquer ce système jusqu’à ce qu’il sauvât avec une exactitude suffisante les apparences décrites par les observateurs.

Lorsque l’observation eût fait connaître des phénomènes que tout système de sphères homocentriques était, à tout jamais, impuissant à sauver, les astronomes géomètres acceptèrent d’autres

  1. Simplicius, loc. cit., éd. Karsten, p. 223, col. a, à p. 225 col. b ; éd. Heiberg, p. 498 à p. 504.
  2. Simplicius, loc. cit., éd. Karsten, p. 225, col. a ; éd. Heiberg, p. 502.