Page:Duhem - Le Système du Monde, tome I.djvu/135

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
127
LES SPHÈRES HOMOCENTRIQUES


situés au-dessus de lui, de même, dans l’Univers, chaque système suivra les rotations de tous les systèmes qui l’enveloppent, et l’indépendance supposée par Eudoxe et par Calippe ne sera pas sauvegardée ; on ne pourra plus dire, avec l’Épinomide, que les huit puissances du ciel sont sœurs et qu’aucune d’elles ne mène les autres.

Un seul moyen subsiste, sinon de rétablir cette indépendance, du moins, d’obtenir un effet équivalent, et c’est celui que va employer Aristote. Il consiste à interposer, entre deux systèmes successifs, un certain nombre d’orbes animés de rotations telles qu’elles compensent exactement, pour le système intérieur, l’effet des rotations du système extérieur. Ces sphères annexes, Aristote les nomme sphères tournant à rebours (ἀνελιττούσαι σφαίραι) ; Simplicius nous apprend[1] que Théophraste, en ses Physiques, les nommait sphères ramenantes (ἀνανταφερούσαι).

Si l’on veut compenser exactement, pour le système inférieur, toutes les rotations du système supérieur, il suffira de placer entre ces deux systèmes des orbes en nombre égal aux orbes du système supérieur, puis de faire correspondre chacun des orbes annexes à chacun des orbes du système supérieur de telle manière que les deux sphères correspondantes tournent autour du même axe, avec la même vitesse angulaire, mais en sens contraire l’une de l’autre.

Aristote a fort bien vu qu’il n’était pas nécessaire d’employer autant de sphères que cette méthode l’exigerait ; au lieu de maintenir, en effet, entre les divers systèmes, une indépendance absolue, de telle sorte que chacun d’eux se meuve comme si les autres n’existaient pas, il n’y a aucun inconvénient à supposer qu’ils se transmettent les uns aux autres la rotation diurne, puisqu’ils doivent tous prendre part à cette rotation.

Par exemple, il ne sera pas nécessaire de mettre de sphère compensatrice entre le ciel des étoiles fixes et le système de Saturne ni d’attribuer à Saturne un premier orbe mû du mouvement diurne : la sphère des étoiles fixes pourra jouer ce rôle ; et il semble bien qu’Aristote ait voulu qu’il en soit ainsi, car cela s’accorde avec le dénombrement que nous lui verrons faire.

Le système de Saturne communiquerait au système de Jupiter un nombre de rotations égal au nombre des sphères que Calippe lui attribue, c’est-à-dire à quatre ; si l’on veut compenser les rotations de toutes ces sphères, sauf la révolution diurne issue de la première, on devra placer entre le ciel de Saturne et le ciel de

  1. Simplicius, loc. cit., éd. Karsten, p. 225, col. b ; éd. Heiberg, p. 504.