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LA COSMOLOGIE HELLÉNIQUE


ce rôle, tentée par G. Schiaparelli[1], est donc purement conjecturale.

VIII
LES SPHÈRES COMPENSATRICES D’ARISTOTE


Aux sphères nouvelles que Calippe avait déjà introduites dans l’Astronomie d’Eudoxe, Aristote proposa[2] d’en adjoindre un grand nombre d’autres ; mais les raisons qui le guidaient en cette intention étaient toutes différentes de celles qui avaient conduit Calippe. Calippe, pur astronome, s’était contenté d’imaginer des combinaisons de rotations uniformes qui fussent propres à sauver les mouvements apparents des planètes. Aristote, philosophe, voulait que ces combinaisons fussent telles que les principes de sa Physique en permissent la réalisation dans la nature.

Selon Eudoxe et Calippe, le système de chacun des astres errants se compose de plusieurs orbes contigus ; chacun des orbes est animé d’une rotation propre et participe, en outre, des rotations de tous les orbes qui sont situés au-dessus de lui. Eudoxe et Calippe ont combiné chacun de ces systèmes en vue de rendre compte du mouvement apparent de l’astre auquel il est attribué ; mais ils l’ont traité comme un mécanisme entièrement indépendant ; ils ne se sont pas demandé comment les divers mécanismes imaginés par eux pourraient prendre place dans l’Univers de telle manière qu’ils formassent un tout, et que, cependant, l’indépendance du mouvement de chacun d’eux fût sauvegardée.

C’est ce problème qui a sollicité l’attention d’Aristote.

Les groupes d’orbes relatifs aux divers astres doivent tous avoir la Terre pour centre ; ils seront donc disposés autour de la Terre, de manière à se contenir les uns les autres. Aristote les range, d’ailleurs, dans le même ordre que Platon ; en s’élevant à partir de la Terre, on rencontrerait d’abord les orbes de la Lune, puis ceux du Soleil, puis ceux de Mercure, de Vénus, de Mars, de Jupiter et de Saturne, enfin le ciel des étoiles fixes.

Ces groupes d’orbes sont-ils isolés les uns des autres par des intervalles vides ? Aristote n’admet aucunement la possibilité du vide. Sont-ils donc contigus ? Mais alors, de même qu’en chaque système partiel, un orbe participe des rotations de tous les orbes

  1. G. Schiaparelli, loc. cit., pp. 158-164.
  2. Aristote, Métaphysique, livre XI, ch. VIII (Aristotelis Opera, éd. Bekker, vol. II, p. 1074, col. a).