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LES SPHÈRES HOMOCENTRIQUES


de celle qui est à l’intérieur de toutes les autres ; son centre est sur l’équateur de cette sphère. Sauf un mouvement de rotation sur lui-même, que Platon attribuait à chaque astre errant, et dont nous ne savons ce que pensait Eudoxe, l’astre ne saurait avoir un autre cours qu’un point de l’équateur de la sphère solide en laquelle il se trouve enchâssé.

Les autres sphères ne portent aucun astre ; Théophraste leur donnera le nom de sphères sans astres (ἄναστροι σφαίραι)[1] tandis qu’Eudoxe paraît les avoir désignées par le nom de sphères tournant en sens contraire (ἀνελιττούσαι σφαίραι) dont Aristote, nous le verrons plus loin, a fait un usage mieux justifié. Inaccessibles aux perceptions de la vue, elles ne se révèlent qu’au raisonnement géométrique, comme il convient aux hypothèses de l’Astronomie réelle.

La première sphère, c’est-à-dire celle qui est extérieure à toutes les autres, tourne avec une vitesse uniforme et dans un certain sens autour d’un certain axe qui passe par le centre du Monde.

La seconde sphère participe exactement à ce mouvement uniforme de la première sphère ; mais, en elle, il se compose avec un second mouvement de rotation uniforme dont l’axe, le sens, la vitesse sont propres à cette seconde sphère.

La troisième sphère reçoit le mouvement déjà composé dont la seconde sphère était animée ; elle le combine à son tour avec un mouvement de rotation uniforme qui lui est propre.

Les choses se poursuivent de cette manière jusqu’à la dernière sphère, jusqu’à celle qui porte l’astre : le mouvement de l’astre se compose donc d’autant de circulations uniformes concentriques à la Terre qu’il y a d’orbes en son mécanisme spécial.

Le principe du mécanisme sera le même pour tous les astres errants ; mais de l’un à l’autre, le géomètre pourra varier le nombre des orbes et les particularités qui définissent la rotation de chacun d’eux, jusqu’à ce qu’il soit parvenu à sauver d’une manière satisfaisante les divers mouvements apparents.

Les mécanismes qu’Eudoxe combine et adapte aux divers astres errants offrent, tous, deux caractères communs :

1o En tous, la première sphère tourne uniformément, d’Orient en Occident, autour de l’axe du Monde, et sa rotation dure exactement le même temps que la rotation de la sphère inerrante ; par là, chacun, des astres errants prend part à la rotation diurne qui affectera tous les corps du Ciel ; cette rotation, cependant,

  1. Siimplicii In Aristotelis libros de Caeelo commentarii ; in lib. II cap. XII ; éd. Karsten, p, 220, col. a, et p. 221, col, b ; éd. Heiberg, p. 491 et p. 493.