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LA COSMOLOGIE HELLÉNIQUE

Lorsque le sens du mouvement propre d’une planète vient ainsi à se renverser, la vitesse de circulation change de signe en passant par la valeur nulle. Pendant un certain laps de temps, cette vitesse demeure insensible et la planète semble garder, par rapport aux étoiles fixes, mie position invariable ; les astronomes de l’Antiquité disaient alors qu’elle est stationnaire.

Platon avait-il connaissance des stations et des mouvements rétrogrades des planètes ? Il semble que l’on puisse conclure qu’il possédait cette connaissance, et même d’une manière assez détaillée, d’un passage emprunté à la description du fuseau de la Nécessité, pourvu, toutefois, qu’on lise ce passage tel que Théon de Smyme le rapporte[1]. Il y est dit, en effet, que Mars « rétrograde plus que toutes les autres planètes (ἐπαναϰυϰλούμενον μάλιστα τῶν ἄλλων) » ; et ce renseignement est parfaitement exact, il est vrai que les mots μάλιστα τῶν ἄλλων manquent dans tous les manuscrits et dans toutes les éditions de Platon[2], ce qui laisse planer un doute sur la valeur de cette preuve.

En tous cas, lors même qu’il n’eût point connu les marches rétrogrades et les stations des planètes, Platon savait que Vénus et Mercure progressent tantôt plus vite et tantôt moins vite que le Soleil, et il nous a laissé la description des phénomènes qui résultent de là.

Selon l’Astronomie de Platon, toutes les planètes devraient ou bien parcourir l’écliptique ou bien demeurer à une distance invariable de ce grand cercle de la sphère céleste. En réalité, elles ne s’en écartent jamais beaucoup ; elles demeurent toujours comprises dans une zone dont ce grand cercle forme l’équateur et qu’occupent douze constellations ; ces constellations, les anciens les nommaient les animaux (ζῷά), d’où le nom de ceinture zodiacale donnée à cette zone. Mais, en la largeur du zodiaque, les planètes s’éloignent ou s’approchent alternativement de l’écliptique.

Platon connaissait-il les variations qu’éprouvent les longitudes des diverses planètes ? Th.-Henri Martin a admis qu’il possédait cette connaissance et qu’elle se traduisait, au mythe d’Er, par les diverses épaisseurs attribuées aux gaines successives du fuseau de la Nécessité. Cette interprétation du mythe d’Er, nous l’avons dit, ne nous paraît pas fondée[3] ; mais il n’en résulte nullement que Platon ignorât les variations que subissent les latitudes des pla-

  1. Theonis Smyrnæi Liber de Astronamia, cap. XVI ; éd, Th.-H, Martin, pp. 200-201 ; éd. J. Dupuis, pp. 236-237.
  2. Voir la discussion de ce membre de phrase par Th.-Henri Martin dans Theonis Smyrnæi Liber de Astronamia, note R, pp. 365-366.
  3. Voir p. 63.