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LES SPHÈRES HOMOCENTRIQUES


Dialogues, il semble bien qu’il la déclarât avec précision dans son enseignement oral.

De cet enseignement oral, l’écho est venu jusqu’à nous par un chemin long et détourné ; mais, par un bonheur singulier, nous pouvons marquer chacune des réflexions qu’a subies la grande voix de Platon, sans qu’aucune de ces réflexions l’ait sensiblement altérée.

Eudoxe, l’astronome de génie dont nous aurons à parler tout à l’heure, avait recueilli les préceptes qu’en ses discours, Platon traçait à l’astronome ; ces préceptes, il les avait consignés dans ses écrits.

De ces écrits d’Eudoxe, la règle platonicienne avait été extraite par un disciple immédiat d’Aristote, Eudème ; celui-ci l’avait inscrite au second livre de son Ἀστρολογικη ἱστορία qui eut, durant l’Antiquité, une grande et légitime autorité.

Cette règle, Sosigène[1], philosophe et astronome qui fut le maître d’Alexandre d’Aphrodisias, et qu’il ne faut pas confondre avec celui qui dirigea la réforme Julienne du calendrier, Sosigène, disons-nous, l’avait copiée dans l’Histoire astronomique d’Eudème.

Simplicius, enfin, l’a empruntée à Sosigène et nous l’a transmise en l’insérant dans ses précieux commentaires au De Cælo d’Aristote.

Voici en quels termes se trouve consigné à deux reprises[2], au Commentaire de Simplicius, le précepte platonicien : « Platon admet en principe que les corps célestes se meuvent d’un mouvement circulaire, uniforme et constamment régulier [c’est-à-dire constamment de même sens] ; il pose alors aux mathématiciens ce problème :

» Quels sont les mouvements circulaires et parfaitement réguliers qu’il convient de prendre pour hypothèses, afin que l’on puisse sauver les apparences présentées par les astres errants ? Τίνων ὑποθετέντων δι’ ὁμαλῶν καὶ ἐνκυκλίων καὶ τεταγμένων κινήσεων δυνήσεται διασωθῆναι τὰ περὶ τοὺς πλανωμένους φαινόμενα ; »

Arrêtons-nous un instant à ce texte fondamental et, éclairés par ce que nous savons des doctrines de Platon touchant la théorie astronomique, essayons de fixer les pensées qu’il suggérait aux auditeurs du philosophe.

L’Astronomie d’observation nous montre que certains astres

  1. Sur ce Sosigène, voir : Th.-H. Martin, Questions connexes sur deux Sosigène, l’un astronome et l’autre péripatéticien, et sur deux péripatéticiens, Alexandre, l’un d’Égée, et l’autre d’Aphrodisias (Annales de la Faculté des Lettres de Bordeaux, Première année, 1879, t. I, p. 174).
  2. Simplicii In Aristotelis libros de Cœlo commentarii ; in lib. II cap. XII ; éd. Karsten, p. 219, col. a. et p. 221 col. a ; éd, Heiberg, p. 488 et 493.