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LA COSMOLOGIE DE PLATON


que ce qui eût été injuste et ridicule dans le cas dont nous venons de parler, l’est également dans ce cas-ci ?… Assurément, il ne sera pas agréable aux dieux que nous leur adressions des hymnes où il est faussement parlé d’eux. »

Si donc nous voulons éviter d’attribuer aux dieux, par un jugement sacrilège, une fausse hiérarchie, il nous faut écouter les enseignements de l’Astronomie véritable.

Cette Astronomie véritable, qui connaît les vitesses réelles des astres, qui ne prend pas le plus lent d’entre eux pour le plus rapide ni le plus rapide pour le plus lent, que va-t-elle nous enseigner au sujet des esprits divins qui président à ces corps ?

« Sachez[1] qu’il existe dans le Ciel entier huit puissances qui sont les unes aux autres comme des sœurs nées des mêmes parents (Ἴστε ὀϰτὼ δυνάμεις τῶν περὶ ὅλον οὐρανὸν γεγονυίας ἀδλφὰς ἀλλήλων)… » L’une d’elles préside à l’ensemble des étoiles fixes, une autre au Soleil, une à la Lune ; les cinq puissances restantes sont attribuées aux cinq planètes. « Ces huit pouvoirs, ainsi que les astres qu’ils contiennent, soit que ces astres se meuvent d’eux-mêmes, soient qu’ils soient mus comme si des chars les portaient, gardons-nous bien tous de penser que certains d’entre eux sont dieux et que d’autres le sont moins, que certains d’entre eux sont légitimes ou sont telle ou telle chose [que les autres ne sont pas], car aucun de nous n’a le droit de porter un pareil jugement ; mais tout ce que nous dirons d’eux, disons-le de tous ; affirmons qu’ils sont frères et que toutes choses ont été fraternellement partagées entre eux. N’allons pas spécialement faire honneur à l’un d’eux de l’année, à l’autre du mois ; ne nous permettons pas d’assigner à chacun d’eux sa part, de lui fixer le temps dans lequel il devra parcourir entièrement le Ciel en tournant autour de son propre pôle ; ce temps, la raison la plus divine de toutes l’a déterminé et rendu observable…

» Il nous reste à dire en quel nombre sont ces puissances et quelles elles sont… Je répète qu’elles sont huit, parmi lesquelles les trois que j’ai citées, et cinq autres. Le quatrième mouvement, la quatrième révolution se fait sensiblement avec la même vitesse que celle du Soleil ; il n’est ni plus rapide ni plus lent ; il en est de même du cinquième ». Les choses se passent comme si, « toujours et en toutes choses, ces trois puissances obéissaient à un même chef doué d’une intelligence propre à ce rôle. » Ces trois puissances sont celles du Soleil, de Vénus et de Mercure.

  1. Platon, 986-987 ; éd. cit. pp. 511-512.