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LA COSMOLOGIE DE PLATON

le Δημιουργός suprême a usé pour produire les entrelacs compliqués des mouvements astronomiques visibles. Ces mouvements composants méritent seuls d’être appelés réels et vrais.

Les durées de ces mouvements réels, les dimensions des trajectoires qu’ils décrivent, pourront être mesurées en nombres précis ; entre ces nombres exacts, on pourra découvrir des relations immuables s’exprima ni par la valeur comme ns arable (συμμετρία) de certains rapports ; ce serait folie de rechercher, dans les données de l’Astronomie d’observation, la même exactitude, la même permanence, les mêmes rapports commensurables simples.

L’astronome du réel (τῷ ὄντι ἀστρονομιϰός) aura certainement cette pensée : « De même que ces très beaux travaux [de dessins entrelacés] ont été combinés [par un ingénieur], de même l’Ingénieur du Ciel a composé le Ciel même et tout, ce qu’il renferme. Mais ne crois-tu pas, Glaucon, qu’il regardera comme un insensé celui qui cherche à mesurer les rapports de la nuit, au jour, du jour et de la nuit au mois, du mois à l’année, des [durées de révolution des] autres astres à ces durées-là ou de ces durées de révolution entre elles ? Celui qui s’imagine que toutes ces révolutions se produisent toujours de même, qu’elles n’éprouvent jamais, ni d’aucune façon, aucune variation ni dans un sens ni dans l’autre, alors que les astres oui des corps et sont visibles ? Celui qui s’efforce de toutes manières de saisir la vérité en ces choses accessibles aux sens ? »

Voilà donc que la distinction entre l’Astronomie d’observation et l’Astronomie véritable est marquée avec une entière clarté. Mais cette Astronomie véritable ne doit pas être étudiée pour elle-même ; elle n’est qu’un moyen de rendre plus aisée à notre âme la contemplation de l’Idée du Bien ; comme va-t-elle tendre à ce but ? Les Lois et l’Épinomide nous le montreront.

Nous avons vu[1], en l’Épinomide, que deux sortes d’êtres vivants accessibles aux sens avaient été créés par l’Âme du Monde ; les uns sont les plantes, les animaux et l’homme qui se trouvent sur terre et sont en majeure partie formés de terre ; les autres sont les astres qui se meuvent dans le domaine du feu et sont presque exclusivement formés de feu.

« Ce qui est terrestre[2] se meut sans ordre fixe (ἐν ἀταξίᾳ) tandis que les êtres formés de feu sont mus en un ordre immuable (ἐν τάξει).

» Or ce qui se meut sans ordre fixe, nous devons le regarder

  1. Voir § V, p. 47.
  2. Platon, Épinomide, 982 (Platonis Opera, éd. cit. p, 508).