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l’objet de la théorie physique

matière permet de soumettre au calcul tous les mouvements célestes, mais la cause même de cette attraction n’est pas pour cela mise à nu. Faut-il y voir une qualité première et irréductible de la matière ? Faut-il, ce que Newton jugea probable à certaines époques de sa vie, la regarder comme le résultat d’impulsions produites par un certain éther ? Questions difficiles, dont la solution ne pourra être obtenue que plus tard. Cette recherche, en tous cas, est œuvre de philosophe et non de physicien ; quel qu’en soit le résultat, la théorie représentative construite par le physicien gardera sa pleine valeur.

Telle est la doctrine que formule en peu de mots le Scholium generale par lequel se termine le livre des Principes de Philosophie naturelle :

« Jusqu’ici, j’ai exposé les phénomènes que présentent les cieux et nos mers à l’aide de la force de gravité, mais à cette gravité, je n’ai pas encore assigné de cause. Assurément, cette force naît de quelque cause qui pénètre jusqu’au centre du Soleil ou des planètes sans que sa vertu en soit diminuée ; qui agit non pas en raison de la superficie des particules solides sur lesquelles elle exerce son action, comme le font habituellement les causes mécaniques, mais en raison de leur volume ; dont l’action s’étend de toute part à des distances immenses, en décroissant toujours en raison inverse du carré de la distance. La gravité vers le Soleil est composée des gravités qui pèsent vers chacune des petites parties du Soleil, et en s’éloignant du Soleil, elle décroît exactement en raison doublée des distances jusqu’à l’orbite de Saturne, comme le montre la fixité des aphélies des planètes, et jusqu’aux aphélies extrêmes des comètes, si toutefois ces aphélies sont