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LES THÉORIES REPRÉSENTATIVES ET L’HISTOIRE

Bellarmin, écrivait à Foscarini : « Votre Paternité et le seigneur Galilée agiront prudemment en se contentant de parler ex suppositione, et non pas absolument, comme l’a toujours fait, je crois, Copernic ; en effet, dire qu’en supposant la terre mobile et le soleil immobile, on rend compte de toutes les apparences beaucoup mieux qu’on ne pourrait le faire avec les excentriques et les épicycles, c’est très bien dire ; cela ne présente aucun danger et cela suffit au mathématicien. » Dans ce passage, Bellarmin maintenait la distinction, familière aux scolastiques, entre la méthode physique et la méthode métaphysique, distinction qui, pour Galilée, n’était plus qu’un subterfuge.

Celui qui a le plus contribué à rompre la barrière entre la méthode physique et la méthode métaphysique, à confondre leurs domaines que la Philosophie péripatéticienne avait nettement distingués, c’est assurément Descartes.

La méthode de Descartes révoque en doute les principes de toutes nos connaissances et les laisse suspendus à ce doute méthodique, jusqu’au moment où elle parvient à en démontrer la légitimité par une longue chaîne de déductions issues du célèbre : Cogito, ergo sum. Rien de plus contraire qu’une semblable méthode à la conception péripatéticienne selon laquelle une science, telle que la Physique, repose sur des principes évidents par eux-mêmes, dont la Métaphysique peut creuser la nature, mais dont elle ne peut accroître la certitude.

La première proposition de Physique que Descartes établit[1], en suivant sa méthode, saisit et exprime

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  1. Descartes : Principia Philosophiæ, pars IIIa, 4.