Page:Duhem - La Théorie physique, 1906.djvu/70

Cette page a été validée par deux contributeurs.
60
l’objet de la théorie physique

la théorie physique. D’ailleurs, les autres théories, ressortissant aujourd’hui à la Physique, qu’ils avaient portées à un certain degré de perfection, savoir la théorie de l’équilibre du levier et l’Hydrostatique, reposaient sur des principes dont la nature ne pouvait être l’objet d’aucun doute ; les demandes d’Archimède étaient visiblement des propositions d’origine expérimentale, que la généralisation avait transformées ; l’accord de leurs conséquences avec les faits résumait et ordonnait ceux-ci sans les expliquer.

Les Grecs distinguent nettement, dans la discussion d’une théorie sur le mouvement des astres, ce qui est du physicien — nous dirions aujourd’hui du métaphysicien — et ce qui est de l’astronome. Au physicien il appartient de décider, par des raisons tirées de la Cosmologie, quels sont les mouvements réels des astres. L’astronome, au contraire, ne doit point s’inquiéter si les mouvements qu’il imagine sont réels ou fictifs ; leur seul objet est de représenter exactement les déplacements relatifs des astres[1].

Dans ses belles recherches sur les systèmes cosmographiques des Grecs, Schiaparelli a mis en lumière un passage bien remarquable touchant cette distinction entre l’Astronomie et la Physique ; ce passage de Posidonius, résumé ou cité par Geminus, nous a été conservé par Simplicius. Le voici : « D’une manière absolue, il n’appartient pas à l’astronome de savoir ce

  1. Nous empruntons plusieurs des renseignements qui suivent à un très important article de M. P. Mansion : Note sur le caractère géométrique de l’ancienne astronomie (Abhandlungen zur Geschichte der Mathematik, ix, Leipzig, B. G. Teurner). Voir aussi P. Mansion : Sur les principes fondamentaux de la géométrie, de la mécanique et de l’astronomie. Paris, Gauthier-Villars, 1903.