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les théories représentatives et l’histoire

tiles violemment lancés par le corps lumineux ; cette explication, soutenue au temps de Descartes par Gassendi et reprise plus tard par Newton, n’a aucune analogie avec la théorie cartésienne de la lumière ; elle est inconciliable avec elle.

Ainsi, entre l’explication cartésienne des phénomènes lumineux et la représentation cartésienne des diverses lois de la réfraction, il y a simple juxtaposition ; il n’y a aucun lien, aucune pénétration. Aussi, le jour où l’astronome danois Römer, en étudiant les éclipses des satellites de Jupiter, démontre que la lumière se propage dans l’espace avec une vitesse finie et mesurable, l’explication cartésienne des phénomènes lumineux tombe tout d’un bloc ; mais elle n’entraîne même pas une parcelle de la doctrine qui représente et classe les lois de la réfraction ; celle-ci continue, aujourd’hui encore, à former la majeure partie de notre Optique élémentaire.

Un rayon lumineux unique, passant de l’air au sein de certains milieux cristallins tels que le spath d’Islande, fournit deux rayons réfractés distincts, dont l’un, le rayon ordinaire, suit la loi de Descartes, tandis que l’autre, le rayon extraordinaire, échappe aux prises de cette loi. Cette « admirable et insolite réfraction du cristal clivable d’Islande » avait été découverte et étudiée[1], en 1657, par le Danois Erasme Berthelsen ou Bartholinus. Huygens se propose de formuler une théorie qui représente à la fois les lois de la réfraction simple, objet des travaux de Descartes, et les lois de la double

  1. Erasmus Bartholinus : Experimenta crystalli Islandici disdiaclastici, quibus mira et insolita refractio detegitur. Havniæ, 1657.