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l’objet de la théorie physique

hypothèses sont en nombre illimité ; on en peut donc déduire qui ne correspondent à aucune des lois expérimentales précédemment connues, qui représentent simplement des lois expérimentales possibles.

Parmi ces conséquences, il en est qui ont trait à des circonstances pratiquement réalisables ; elles sont particulièrement intéressantes, car elles pourront être soumises au contrôle des faits. Si elles représentent exactement les lois expérimentales qui régissent ces faits, la valeur de la théorie s’en trouvera accrue ; le domaine sur lequel elle règne sera enrichi de lois nouvelles. Si, au contraire, parmi ces conséquences, il en est une qui soit nettement en désaccord avec les faits dont elle devait représenter la loi, la théorie proposée devra être plus ou moins modifiée, peut-être entièrement rejetée.

Or, au moment de confronter les prévisions de la théorie avec la réalité, supposons qu’il faille parier pour ou contre la théorie ; de quel côté mettrons-nous notre gage ?

Si la théorie est un système purement artificiel, si nous voyons dans les hypothèses sur lesquelles elle repose des énoncés qui ont été habilement agencés de telle sorte qu’ils représentent les lois expérimentales déjà connues, mais si nous n’y soupçonnons aucun reflet de rapports véritables entre les réalités qui se cachent à nos yeux, nous penserons qu’une telle théorie doit attendre d’une loi nouvelle plutôt un démenti qu’une confirmation ; que, dans l’espace laissé libre entre les cases ajustées pour d’autres lois, la loi, jusque-là inconnue, trouve une case toute prête, où elle se puisse loger exactement, ce sera merveilleux