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la structure de la théorie physique

la voie par laquelle ce postulat a pénétré dans la science. L’histoire des Mathématiques est, assurément, l’objet d’une curiosité légitime ; mais elle n’est point essentielle à l’intelligence des Mathématiques. Il n’en est pas de même en Physique. Là, nous l’avons vu, il est interdit à l’enseignement d’être purement et pleinement logique. Dès lors, le seul moyen de relier les jugements formels de la théorie à la matière des faits que ces jugements doivent représenter, et cela en évitant la subreptice pénétration des idées fausses, c’est de justifier chaque hypothèse essentielle par son histoire.

Faire l’histoire d’un principe physique, c’est, en même temps, en faire l’analyse logique. La critique des procédés intellectuels que la Physique met en jeu se lie d’une manière indissoluble à l’exposé de l’évolution graduelle par laquelle la déduction perfectionne la théorie, en fait une image toujours plus précise, toujours mieux ordonnée des lois que révèle l’observation.

Seule, d’ailleurs, l’histoire de la Science peut garder le physicien des folles ambitions du Dogmatisme comme des désespoirs du Pyrrhonisme.

En lui retraçant la longue série des erreurs et des hésitations qui ont précédé la découverte ôfi chaque principe, elle le met en garde contre les fausses évidences ; en lui rappelant les vicissitudes des Ecoles cosmologiques, en exhumant de l’oubli où elles gisent les doctrines autrefois triomphantes, elle le fait souvenir que les plus séduisants systèmes ne sont que des représentations provisoires et non des explications définitives.