Page:Duhem - La Théorie physique, 1906.djvu/451

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
441
le choix des hypothèses

est la déduction mathématique ; et la science physique est à la fois certitude et clarté parce que les flux qui naissent de ces deux sources concourent et mêlent intimement leurs eaux.

En Géométrie, la connaissance claire produite par la logique déductive et la connaissance certaine issue du sens commun sont si exactement juxtaposées qu’on ne saurait apercevoir cette zone mixte où s’exercent simultanément et à l’envi tous nos moyens de connaître ; voilà pourquoi le géomètre, lorsqu’il traite des sciences physiques, est exposé à oublier l’existence de cette zone ; pourquoi il veut construire la Physique, à l’imitation de sa science préférée, sur des axiomes immédiatement tirés de la connaissance vulgaire ; à la poursuite de cet idéal, que M. Ernst Mach nomme si justement[1] une fausse rigueur, il risque fort de n’atteindre que des démonstrations hérissées de paralogismes et tissues de pétitions de principes.


§ VI. — Importance en Physique de la méthode historique.


Comment le maître chargé d’exposer la Physique prémunira-t-il ses élèves contre les dangers d’une telle méthode ? Comment pourra-t-il leur faire embrasser du regard l’immense étendue du territoire qui sépare le domaine de l’expérience vulgaire, où rognent les lois de sens commun, du domaine théorique, ordonné par les principes clairs ? Comment pourra-t-il, en même temps, leur faire suivre la double démarche par

  1. Ernst Mach : La Mécanique, exposé historique et critique de son développement, Paris, 1904, p. 80.