Page:Duhem - La Théorie physique, 1906.djvu/449

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
439
le choix des hypothèses

aux seules sciences qui fussent naturellement ordonnées et claires, aux sciences mathématiques. Mais ils n’ont pu faire, néanmoins, que la clarté et l’ordre vinssent en Physique, comme ils viennent en Arithmétique et en Géométrie, se joindre d’une manière immédiate à la certitude obvie. Tout ce qu’ils ont pu faire, c’est de se placer en face de la foule des lois tirées directement de l’observation, lois confuses, complexes, désordonnées, mais douées d’une certitude qui se constate directement, et de tracer une représentation symbolique de ces lois, représentation admirablement claire et ordonnée, mais dont on ne peut même plus dire proprement qu’elle soit vraie.

Dans le domaine des lois d’observation, le sens commun règne ; lui seul, par nos moyens naturels de percevoir et de juger nos perceptions, décide du vrai et du faux. Dans le domaine de la représentation schématique, la déduction mathématique est souveraine maîtresse ; tout doit se ranger aux règles qu’elle impose. Mais d’un domaine à l’autre s’établit une continuelle circulation, un continuel échange de propositions et d’idées. La théorie demande à l’observation de soumettre quelqu’une de ses conséquences au contrôle des faits ; l’observation suggère à la théorie de modifier une hypothèse ancienne ou d’énoncer une hypothèse nouvelle. Dans la zone intermédiaire au travers de laquelle s’effectuent ces échanges, par laquelle est assurée la communication entre l’observation et la théorie, le sens commun et la logique mathématique font concourir leurs influences et mêlent les uns aux autres, d’une manière inextricable, les procédés qui leur sont propres.

Ce double mouvement qui, seul, permet à la Physique