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le choix des hypothèses

totale est, en chaque modification élémentaire, égale à l’excès du travail externe sur la chaleur dégagée.

Naguère encore, ceux qui se complaisent en de telles piperies déploraient que le principe de l’accroissement de l’entropie fût beaucoup plus abstrus et difficile à comprendre que le principe de la conservation de l’énergie ; les deux principes, cependant, exigent du géomètre des calculs tout semblables ; mais le terme d’entropie n’a de sens que dans la langue du physicien ; il est inconnu au langage vulgaire ; il ne prête pas aux équivoques. Depuis peu, on n’entend plus ces doléances à l’égard de l’obscurité où demeurerait plongé le second principe de la Thermodynamique ; il passe aujourd’hui pour clair et vulgarisable. Pourquoi ? Parce qu’on en a changé le nom. On l’appelle maintenant principe de la dissipation ou de la dégradation de l’énergie ; or, ceux qui ne sont pas physiciens, mais le veulent paraître, entendent aussi ces mots-là ; ils leur prêtent, il est vrai, un sens qui n’est point celui que les physiciens leur attribuent ; mais que leur importe ? Voilà la porte ouverte à maint discours spécieux qu’ils donnent pour raisonnements, et qui ne sont que jeux de mots. C’est justement là ce qu’ils souhaitaient.

L’emploi de la précieuse règle de Pascal fait évanouir ces trompeuses analogies comme un coup de vent dissipe les effets du mirage.

Ceux qui prétendent tirer du fond du sens commun les hypothèses qui porteront leurs théories peuvent encore être victimes d’une autre illusion.

Le fond du sens commun n’est pas un trésor enfoui dans le sol, auquel nulle pièce ne vient plus s’ajouter ; c’est le capital d’une société immense et prodigieuse-