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la structure de la théorie physique

ces lacunes et quelles sont ces affirmations ; il faut, en un mot, que l’enseignement, forcément boiteux et incomplet, dont il se doit contenter ne fasse point germer d’idées fausses en son esprit.

La lutte contre l’idée fausse, si prompte à se glisser en un tel enseignement, sera donc le constant souci du maître.

Aucune hypothèse isolée, aucun groupe d’hypothèses, séparé du reste de la Physique, n’est susceptible d’une vérification expérimentale absolument autonome ; aucun experimentum crucis ne peut trancher entre deux hypothèses, et entre ces deux hypothèses seulement ; le maître, cependant, ne pourra attendre que toutes les hypothèses aient été énoncées pour soumettre certaines d’entre elles au contrôle de l’observation ; il ne pourra se dispenser de présenter certaines expériences, l’expérience de Foucault, l’expérience d’Otto Wiener, par exemple, comme entraînant l’adhésion à une certaine supposition au préjudice de la supposition contraire ; mais il devra soigneusement marquer jusqu’à quel point le contrôle qu’il décrit anticipe sur les théories non encore exposées ; comment la soi-disant expérience cruciale implique l’acceptation préalable d’une foule de propositions que l’on est convenu de ne plus contester.

Aucun système d’hypothèses ne peut être tiré par induction de la seule expérience ; l’induction, cependant, peut indiquer, en quelque sorte, la voie qui conduit à certaines hypothèses ; il ne sera point interdit de le remarquer ; il ne sera point interdit, par exemple, au début d’un exposé de la Mécanique céleste, de prendre les lois de Képler et de montrer comment la