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le choix des hypothèses

Par exemple, un professeur qui a posé l’ensemble des hypothèses sur lesquelles reposent la Mécanique générale et la Mécanique céleste, qui en a déduit un certain nombre de chapitres de ces deux sciences, n’attendra pas d’avoir traité la Thermodynamique, l’Optique, la théorie de l’électricité et du magnétisme, pour comparer ses théorèmes à diverses lois expérimentales. Cependant, en faisant cette comparaison, il lui arrivera de se servir d’une lunette astronomique, de tenir compte de dilatations, de corriger des causes d’erreur provenant de l’électrisation ou de l’aimantation, partant d’invoquer les théories qu’il n’a pas encore exposées. L’élève non prévenu crierait au paralogisme ; il cessera au contraire de s’étonner s’il a compris que ces vérifications lui sont présentées par avance, afin d’éclairer aussitôt que possible, par des exemples, les propositions théoriques qui lui ont été exposées, mais qu’elles devraient, logiquement, venir beaucoup plus tard, alors qu’il posséderait le système entier de la Physique théorique.

Cette impossibilité pratique d’exposer le système de la Physique sous la forme même qu’exigerait la rigueur logique, cette nécessité de tenir une sorte d’équilibre entre ce que réclame cette rigueur et ce que peut assimiler l’intelligence de l’élève, rendent particulièrement délicat l’enseignement de cette science. Il est bien permis au maître, en effet, de donner une leçon où le logicien pointilleux trouverait à redire ; mais cette tolérance est subordonnée à certaines conditions ; l’élève doit savoir que la leçon recueillie par lui n’est exempte ni de lacunes, ni d’affirmations non encore justifiées ; il doit voir clairement où se trouvent