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le choix des hypothèses

se contente d’ouvrir toute grande sa corolle à la brise ou à l’insecte qui porte la poussière génératrice du fruit ; de même, le physicien se borne à ouvrir sa pensée, par l’attention et la méditation, à l’idée qui doit germer en lui, sans lui. À quelqu’un qui lui demandait comment il s’y prenait pour faire une découverte, Newton répondait[1] : « Je tiens le sujet de ma recherche constamment devant moi, et j’attends que les premières lueurs commencent à s’ouvrir lentement et peu à peu, jusqu’à se changer en une clarté pleine et entière. »

C’est seulement lorsque le physicien commence à voir clairement l’hypothèse nouvelle, reçue, mais non choisie, par lui que sa libre et laborieuse activité doit entrer en jeu ; car il s’agit maintenant de combiner cette hypothèse à celles qui sont déjà admises, d’en tirer des conséquences nombreuses et variées, de les comparer scrupuleusement aux lois expérimentales ; ces besognes, il lui appartient de les accomplir rapidement et exactement ; il ne dépend pas de lui de concevoir une idée neuve, mais il dépend de lui, pour une très grande part, de développer cette idée et de la faire fructifier.


§ IV. — De la présentation des hypothèses dans l’enseignement de la Physique.

Au professeur qui veut exposer les hypothèses sur lesquelles sont fondées les théories physiques, la logique ne donne pas plus d’indications qu’elle n’en

  1. Réponse citée par Biot dans l’article : Newton qu’il a écrit pour la Biographie universelle de Michaud.