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l’objet de la théorie physique

naissance de toutes ces lois ; la connaissance des principes sur lesquels repose la théorie suffit.

Cet exemple nous fait saisir sur le vif la marche suivant laquelle progressent les sciences physiques ; sans cesse, l’expérimentateur met à jour des faits jusque-là insoupçonnés et formule des lois nouvelles ; et, sans cesse, afin que l’esprit humain puisse emmagasiner ces richesses, le théoricien imagine des représentations plus condensées, des systèmes plus économiques ; le développement de la Physique provoque une lutte continuelle entre « la nature qui ne se lasse pas de fournir » et la raison qui ne veut pas « se lasser de concevoir ».



§ III. — La théorie considérée comme classification.

La théorie n’est pas seulement une représentation économique des lois expérimentales ; elle est encore une classification de ces lois.

La Physique expérimentale nous fournit les lois toutes ensemble et, pour ainsi dire, sur un même plan, sans les répartir en groupes de lois qu’unisse entre elles une sorte de parenté. Bien souvent, ce sont des causes tout accidentelles, des analogies toutes superficielles qui ont conduit les observateurs à rapprocher, dans leurs recherches, une loi d’une autre loi. Newton a fixé dans un même ouvrage les lois de la dispersion de la lumière qui traverse un prisme et les lois des teintes dont se pare une bulle de savon, simplement parce que des couleurs éclatantes signalent aux yeux ces deux sortes de phénomènes.