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le choix des hypothèses

Le système de Borelli[1] se ressent à la fois de l’influence de Roberval et de celle de Kepler. Comme Kepler, Borelli cherche la force qui entraîne chaque planète suivant sa trajectoire dans une vertu émanée du Soleil, transportée par sa lumière et dont l’intensité est inverse de la distance entre les deux astres. Comme Roberval, il suppose[2] qu’il y a « en chaque planète un instinct naturel par lequel elle cherche à s’approcher du Soleil en ligne droite. De même voyons-nous que tout grave a l’instinct naturel de se rapprocher de notre Terre, poussé qu’il est par la pesanteur qui l’apparente à la Terre ; de même remarquons-nous que le fer se porte en ligne droite vers l’aimant. »

Cette force qui porte la planète vers le Soleil, Borelli la compare à la pesanteur ; il ne semble pas qu’il l’identifie à cette dernière ; par là, son système est inférieur à celui de Roberval ; il lui est encore inférieur, en ce qu’il suppose l’attraction éprouvée par la planète indépendante de la distance de cet astre au Soleil ; mais il le surpasse en un point ; pour équilibrer cette force, pour empêcher la planète de se précipiter vers le soleil, il ne fait plus appel aux pressions d’un fluide au sein duquel la planète flotterait en vertu du principe d’Archimède ; il invoque l’exemple de la fronde dont la pierre, mue en cercle, tend fortement la corde ; il équilibre[3] l’instinct par lequel la planète se porte vers le Soleil en lui opposant la tendance de tout

  1. Alphonsi Borelli Theoriæ Mediceorum planetarum ex causis physicis deductæ, Florentiæ, 1663. — Cf. Ernst Goldbeck : Die Gravitations-hypothese bei Galitei und Borelli, Berlin, 1897.
  2. Borelli : Loc. cit., p. 76.
  3. Borelli : Loc. cit., p. 47.