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le choix des hypothèses

l’attraction universelle sont rassemblés, taillés, prêts à être mis en œuvre ; mais on ne soupçonne point encore toute l’étendue qu’aura cette œuvre ; la vertu aimantique par laquelle les diverses parties de la matière se portent les unes sur les autres est invoquée pour rendre compte de la chute des graves et du flux de la mer ; on ne songe point encore à en tirer la représentation des mouvements des astres ; bien au contraire, lorsque les physiciens abordent le problème de la Mécanique céleste, cette force attractive les gène singulièrement.

C’est que la science qui doit les aider de ses principes, la Dynamique, est en enfance ; soumis encore aux enseignements qu’Aristote a donnés dans le De Cœlo, ils imaginent l’action qui fait tourner une planète autour du Soleil à la ressemblance d’un cheval de manège ; dirigée à chaque instant comme la vitesse du mobile, elle est proportionnelle à cette vitesse ; c’est par ce principe que Cardan compare[1] la puissance du principe vital qui meut Saturne à la puissance du principe vital qui meut la Lune ; calcul bien naïf encore, mais premier modèle des raisonnements qui serviront à composer la Mécanique céleste.

Imbus des principes qui ont guidé Cardan au cours de ses calculs, les géomètres du xvie siècle, ceux de la première moitié du xviie siècle, ignorent que, pour décrire un cercle d’un mouvement uniforme, un astre, une fois lancé, n’a plus besoin d’être tiré dans la direction de son mouvement ; il exige, au contraire,

  1. Hieronymi Cardani Opus novum de proportionibus ; Basilæ, 1570 ; prop. CLXIII, p. 165.