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la structure de la théorie physique

du Soleil, qui tourne avec le corps de cet astre ; étant corporelle, elle diminue et s’affaiblit lorsque la distance augmente, et la raison de cette diminution est, comme pour la lumière, en raison inverse du carré de la distance. »

La virtus motrix dont parle Boulliau, et qui est celle de Kepler, n’est pas dirigée suivant le rayon qui va de la planète au Soleil ; elle est normale à ce rayon ; ce n’est point une attraction semblable à celle qu’admet Roberval, que Newton invoquera ; mais nous voyons clairement que les physiciens du xviie siècle, traitant de l’attraction de deux corps, sont, de prime abord, conduits à la supposer inverse au carré de la mutuelle distance des deux corps.

Les travaux du P. Athanase Kircher sur l’aimant nous en offrent un second exemple[1] ; l’analogie entre la lumière qu’émet une source et la vertu qui émane de chacun des deux pôles d’un aimant le presse d’adopter, pour l’intensité de l’une et de l’autre qualité, une loi de décroissement en raison inverse du carré de la distance ; s’il ne se rallie à cette supposition ni pour le magnétisme, ni pour la lumière, c’est qu’elle assure la diffusion à l’infini de ces deux vertus, tandis qu’il admet pour toute vertu une sphère d’action au-delà de laquelle elle est rigoureusement annulée.

Ainsi, dès la première moitié du xviie siècle, tous les matériaux qui serviront à construire l’hypothèse de

  1. Athanasii Kircheri Magnes, sive de arte magnetica Romæ, 1641 ; l. I, prop. XVII, XIX, XX. En la proposition XX, Kircher parle de décroissance en raison inverse de la distance ; c’est là un simple lapsus provenant de ce que Kircher, raisonnant sur des aires sphériques, les a représentées par des arcs de cercle. La pensée de l’auteur n’en est pas moins très claire.