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le choix des hypothèses

encore formulée, c’est qu’elle n’était douteuse pour personne.

L’analogie entre les actions émanées des astres et la lumière émise par eux était, pour les physiciens et les astrologues du moyen âge et de la Renaissance, un véritable lieu commun ; la plupart des péripatéticiens de l’École poussaient cette analogie jusqu’à en faire un lien indissoluble ou une identité. Scaliger était déjà, obligé de s’élever[1] contre cet excès. « Les astres, dit-il, peuvent agir sans l’aide de la lumière ; l’aimant agit bien sans lumière ; combien plus magnifiquement agiront les astres ! »

Identiques ou non à la lumière, toutes les vertus, toutes les species de sa forme substantielle qu’un corps émet autour de lui dans l’espace doivent se propager ou, comme l’on disait au moyen âge, se multiplier selon les mêmes lois. Dès le xiie siècle, Roger Bacon[2] a entrepris de donner une théorie générale de cette propagation ; en tout milieu homogène, elle se fait suivant des rayons rectilignes[3] et, pour user de l’expression moderne, par ondes sphériques ; s’il eût été aussi bon géomètre qu’il demandait aux physiciens de l’être, Bacon eût aisément tiré de ses raisonnements[4] cette conclusion : La force d’une telle species est toujours en raison inverse du carré de la distance à la source dont elle émane. Une telle loi était le corollaire naturel de

  1. Julii-Cæsaris Scaligeri De subtilitate adversus Cardanum, Exercitatio LXXXV.
  2. Rogerii Bacconnis Angli Specula mathematica in qua de specierum multiplicatione, earumdemque in inferioribus virlute agitur ; Francofurti, MDCXIV.
  3. Roger Bacon : Loc. cit., dist. II, cc. i, ii, iii.
  4. Roger Bacon : Loc. cit., dist. III, cc. ii.