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la structure de la théorie physique

tres ; mais plus violemment encore il repousse[1] l’hypothèse nouvelle formulée par Morin : « Habituellement, l’humidité est tenue pour l’effet propre de la Lune, et il appartient au Soleil non de promouvoir cet effet, mais de l’arrêter. Mais il plaît à Morin que le Soleil seconde l’action de la Lune ; il déclare que les actions du Soleil et de la Lune se corroborent l’une et l’autre ; il suppose donc que les actions du Soleil et celles de la Lune sont de même condition ou, comme l’on dit, de même nature spécifique ; en ce qui concerne le phénomène qui nous occupe, si l’action de la Lune attire les eaux, il en doit être de même de l’action du Soleil. »

En cette année 1643, où Gassendi déclarait insolite l’hypothèse que la Lune et le Soleil pussent exercer des attractions analogues, cette hypothèse était de nouveau formulée, mais généralisée et amplifiée jusqu’à la supposition d’une gravité universelle. Cette supposition grandiose était due à Roberval qui, n’osant la présenter trop ouvertement sous son nom, se donnait seulement pour l’éditeur et l’annotateur d’un écrit[2] qu’il disait composé par Aristarque de Samos.

  1. Gassendi Epistolæ tres de motu impresso a motore translato, Epistola III, art. xvi, Parisiis, 1643. — Petri Gassendi Diniensis Opuscula philosophica, t. III, p. 534. Lugduni, 1658.
  2. Aristarchi Samii De Mundi systemate partibus et motibus cujusdem liber singularis. Addictæ sunt æ P. de Roberval notæ in eundem libellum. Parisiis, 1644. Cet ouvrage fut réimprimé par Mersenne, en 1647, au tome III de ses Cogitata physico-mathematica. — Je crois que si l’on interprète exactement la pensée de Roberval, on ne doit pas voir dans son système une théorie de la gravité universelle ; les parties du fluide interplanétaire n’attireraient que les parties du même fluide ; les parties terrestres n’attireraient que les parties terrestres ; les parties du système de Vénus que les parties du même système, etc. Toutefois, il y aurait attraction mutuelle entre le système de la Terre et le système de la Lune, entre le sys-