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le choix des hypothèses

une telle gravité allait se répandant et se fortifiant de plus en plus. Descartes, nous l’avons vu, pensait qu’une semblable gravité pouvait exister entre la Terre et les autres planètes, comme Vénus et Mercure. François Bacon avait poussé plus loin ; il avait imaginé que le Soleil pouvait exercer sur les diverses planètes une action de même nature. Au Novum Organum[1], l’illustre chancelier met dans une catégorie spéciale « le mouvement magnétique qui, appartenant à la classe des mouvements d’agrégation mineure, mais opérant quelquefois à de grandes distances et sur des masses considérables, mérite à ce titre une investigation spéciale, surtout quand il ne commence pas par un contact, comme la plupart des autres mouvements d’agrégation, et se borne à élever les corps ou à les entier, sans rien produire de plus. S’il est vrai que la Lune attire les eaux et que, sous son influence, la nature voie se gonfler les masses humides… ; si le Soleil enchaîne les astres de Vénus et de Mercure et ne leur permet pas de s’éloigner au-delà d’une certaine distance, il semble bien que ces mouvements n’appartiennent ni à l’espèce de l’agrégation majeure, ni à l’espèce de l’agrégation mineure, mais que, tendant à une agrégation moyenne et imparfaite, ils doivent constituer une espèce à part. »

L’hypothèse que le Soleil pût exercer sur les planètes une action analogue à celle que la Terre et les planètes exercent chacune sur ses propres parties, voire à celle que la Terre et les planètes peuvent échanger entre elles, devait paraître une supposition

  1. F. Baconis Novum Organum ; Londini, 1620, 1. II, c. xxviii, art. 9.