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la structure de la théorie physique

voilà en ce cas la Terre et la Lune, douées d’une mesme faculté aimantine, attirantes un mesme corps, et convenantes en iceluy dont il faudra qu’elles conviennent entre elles, qu’elles s’attirent mutuellement, ou, pour mieux parler, qu’elles concourent et se joignent ensemble, comme je vois s’approcher et se joindre deux boules d’aimant que je mets en nage dans un bassin plein d’eau. Car d’objecter la trop grande distance, il n’y a point lieu : les influences que la Lune jette sur la Terre, et celles que la Terre doibt jetter sur la Lune, puisqu’elle lui sert de Lune selon vostre advis, nous font voir clairement qu’elles sont dans la sphère de l’activité l’une de l’autre. »

C’est cependant l’objection qu’émet Descartes ; questionné par Mersenne sur le point de « sçavoir si un corps pèse plus ou moins, estant proche du centre de la Terre qu’en estant éloigné », il invoque[1] cet argument, bien propre à prouver que les corps éloignés de la Terre pèsent moins que ceux qui en sont proches : « Les planètes qui n’ont pas en soy de lumière, comme la Lune, Vénus, Mercure, etc., estant, comme il est probable, des cors de mesme matière que la Terre…, il semble que ces planètes devraient donc estre pesantes et tomber vers la Terre, si ce n’estoit que leur grand éloignement leur en oste l’inclination. »

Malgré les difficultés que rencontraient les physiciens, en la première partie du xviie siècle, à expliquer comment la gravité mutuelle de la Terre et de la Lune ne les fait pas choir l’une vers l’autre, la croyance en

  1. Descartes : Correspondance, Édition P. Tanneky et Ch. Adam, N° CXXIX. 13 juillet 1638 ; t. II, p. 225.