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la structure de la théorie physique

Lune. « Autant le flux et le reflux de la mer sont choses certaines, autant il est certain que l’humidité lunaire est étrangère à la cause de ce phénomène. Je suis le premier, que je sache, à avoir dévoilé, dans mes prolégomènes aux Commentaires sur les mouvements de Mars, le procédé par lequel la Lune cause le flux et le reflux de la mer. Il consiste en ceci : La Lune agit non comme astre humide ou humectant, mais comme masse apparentée à la masse de la Terre ; elle attire les eaux de la mer par une action magnétique, non parce qu’elles sont des humeurs, mais parce qu’elles sont douées de la substance terrestre, substance à laquelle elles doivent également leur gravité. »

Le flux est bien une tendance du semblable à s’unir à son semblable ; mais les corps qui tendent à s’unir se ressemblent non en ce qu’ils participent tous deux de la nature de l’eau, mais en ce qu’il participent tous deux de la nature des masses qui composent notre globe. Aussi l’attraction de la Lune ne s’exerce-t-elle pas seulement sur les eaux qui recouvrent la Terre, mais encore sur les parties solides et sur la Terre tout entière ; et, réciproquement, la Terre exerce une attraction magnétique sur les graves lunaires. « Si la Lune et la Terre[1] n’étaient point retenues, par une force animale ou par quelque force équivalente, chacune en son orbite, la Terre monterait vers la Lune et la Lune descendrait vers la Terre jusqu’à ce que ces deux astres se joignissent. Si la Terre cessait

  1. Joannis Kepleri De motibus slellæ Martis, 1609. — J. Kepleri Opera omnia, t. III, p. 151.