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La loi expérimentale représentait déjà une première économie intellectuelle. L’esprit humain avait devant lui un nombre immense de faits concrets, dont chacun se compliquait d’une foule de détails, dissemblables de l’un à l’autre ; aucun homme n’aurait pu embrasser et retenir la connaissance de tous ces faits ; aucun n’aurait pu communiquer cette connaissance à son semblable. L’abstraction est entrée en jeu ; elle a fait tomber tout ce qu’il y avait de particulier, d’individuel dans chacun de ces faits ; de leur ensemble, elle a extrait seulement ce qu’il y avait en eux de général, ce qui leur était commun, et à cet encombrant amas de faits, elle a substitué une proposition unique, tenant peu de place dans la mémoire, aisée à transmettre par l’enseignement ; elle a formulé une loi physique.

« Au lieu, par exemple[1], de noter un à un les divers cas de réfraction de la lumière, nous pouvons les reproduire et les prévoir tous lorsque nous savons que le rayon incident, le rayon réfracté et la normale sont dans un même plan et que . Au lieu de tenir compte des innombrables phénomènes de réfraction dans des milieux et sous des angles différents, nous n’avons alors qu’à observer la valeur de en tenant compte des relations ci-dessus, ce qui est infiniment plus facile. La tendance à l’économie est ici évidente. »

L’économie que réalise la substitution de la loi aux

    xiii, p. 215). — La Mécanique : exposé historique et critique de son développement, Paris, 1904, c. iv, art. 4 : La Science comme économie de la pensée, p. 449.

  1. E. Mach : La Mécanique : exposé historique et critique de son développement, Paris, 1904, p. 453.