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la structure de la théorie physique

trent l’École nominaliste de la Sorbonne ; Albert de Saxe, Thimon le Juif, l’exposent en leurs Questions sur le De Cœlo et sur les Météores d’Aristote ; mais ils hésitent à lui accorder pleine et entière adhésion ; ils connaissent trop bien la valeur des objections d’Albumasar pour acquiescer sans réserve aux explications d’Albert le Grand et de Roger Bacon ; et cependant, cette attraction magnétique occulte exercée par la Lune sur les eaux marines contrarie leur rationalisme de péripatéticiens.

La vertu que les marées manifestent était bien faite, au contraire, pour plaire aux astrologues ; ils y trouvaient la preuve indéniable des influences que les astres exercent sur les choses sublunaires. Cette hypothèse n’était pas moins en faveur auprès des médecins ; ils comparaient le rôle que les astres jouent dans le phénomène des marées à celui qu’ils leur attribuaient dans les crises des maladies ; Galien ne rattachait-il pas aux phases de la Lune les jours critiques des maladies pituitaires ?

À la fin du xve siècle, Jean Pic de La Mirandole reprend avec intransigeance la thèse péripatéticienne d’Avicenne et d’Averroës[1] ; il dénie aux astres tout pouvoir d’agir ici-bas autrement que par leur lumière ; il rejette comme illusoire toute Astrologie judiciaire ; il repousse la doctrine médicale des jours critiques ; et, en même temps, il déclare erronée la théorie aimantique des marées.

Le défi jeté aux astrologues et aux médecins par Jean Pic de La Mirandole est aussitôt relevé par un

  1. Joannis Pici Mirandulæ. Adversus astrologos ; Bononiæ, 1495.