Page:Duhem - La Théorie physique, 1906.djvu/393

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
383
le choix des hypothèses

ne seraient pas, de toute part, portés droitement au centre de la Terre ; mais, selon qu’ils viendraient d’une place ou d’une autre, ils se porteraient vers des points différents. Si, en un certain lieu du Monde, on plaçait deux pierres, proches l’une de l’autre et hors de la sphère de vertu de tout corps qui leur soit apparenté, ces pierres, à la manière de deux aimants, viendraient se joindre en un lieu intermédiaire, et les chemins qu’elles feraient pour se rejoindre seraient en raison inverse de leurs masses. »

Cette vraie doctrine de la gravité se répandit bientôt en Europe et trouva faveur auprès de maint géomètre. Dès 1626, Mersenne y faisait allusion dans son Synopsis mathematica. Le 16 août 1636, Etienne Pascal et Roberval écrivent à Fermat une lettre[1] dont le principal objet est de contester l’antique principe d’Albert de Saxe, jalousement gardé par le géomètre toulousain, « que si deux poids égaux sont joints par une ligne droite, ferme et sans poids, et, qu’étant ainsi disposés, ils puissent descendre librement, ils ne reposeront jamais jusqu’à ce que le milieu de la ligne (qui est le centre de pesanteur des anciens) s’unisse au centre commun des choses pesantes ». À ce principe, ils objectent ceci : « Il peut se faire aussi et il est fort vraisemblable que la gravité est une attraction mutuelle ou un désir naturel que les corps ont de s’unir ensemble, comme il est clair au fer et à l’aimant, lesquels sont tels que, si l’aimant est arrêté, le fer n’étant point empêché l’ira trouver ; si le fer est arrêté, l’ai-

  1. Fermat : Œuvres, publiées par les soins de MM. Paul Tannery et Ch. Henry ; t. II, Correspondance p. 35.