Page:Duhem - La Théorie physique, 1906.djvu/385

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
375
le choix des hypothèses

Mersenne, toutefois, émettait, au sujet de cet enseignement, un doute en faveur de l’hypothèse d’une gravité universelle ; un peu plus loin, en effet, il écrivait[1] : « Nous supposons que tous les graves désirent le centre du Monde, et se portent vers lui, en ligne droite, de mouvement naturel. C’est une proposition que presque tout le monde accorde, bien qu’elle ne soit nullement démontrée ; qui sait si les parties d’un astre, arrachées à cet astre, ne gravitent pas vers cet astre et n’y retournent pas, comme les pierres détachées de la Terre et portées en cet astre reviendraient vers la Terre ? Qui sait si des pierres terrestres, plus voisines de la Lune que de la Terre, ne descendraient pas vers la Lune plutôt que vers la Terre ? » En cette dernière phrase, Mersenne se montrait tenté, comme nous le verrons, de suivre plutôt la doctrine de Kepler que celle de Copernic.

Plus fidèlement et plus étroitement, Galilée tient pour la théorie copernicaine de la gravité particulière à chaque astre. Dès la première journée du célèbre Dialogue sur les deux systèmes du Monde , il professe, par la bouche de l’interlocuteur Salviati, que «les parties de la Terre se meuvent non pour aller au centre du Monde, mais pour se réunir à leur tout ; c’est pour cela qu’elles ont une inclination naturelle vers le centre du globe terrestre, inclination par laquelle elles conspirent à le former et à le conserver… »

« Comme les parties de la Terre conspirent toutes, d’un commun accord, à former leur tout, il en résulte qu’elles concourent de toute part avec une égale inclination ; et afin de s’unir entre elles le plus possible,

  1. Mersenne: Loc. cit., p. 8.