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la structure de la théorie physique

corps célestes, doit s’expliquer comme elle s’explique en la Terre :

« Je pense[1] que la gravité n’est pas autre chose qu’une certaine appétence naturelle donnée aux parties de la Terre par la divine Providence de l’Architecte de l’Univers, afin qu’elles soient ramenées à leur unité et à leur intégrité en se réunissant sous la forme d’une sphère. Il est croyable que la même affection se trouve dans le Soleil, la Lune et les autres clartés errantes, afin que, par l’efficace de cette affection, elles persistent dans la rotondité sous laquelle elles se présentent à nous. »

Cette pesanteur est-elle une pesanteur universelle ? Une masse appartenant à un corps céleste est-elle sollicitée à la fois par le centre de gravité de ce corps et par les centres de gravité des autres astres ? Rien, dans les écrits de Copernic, n’indique qu’il ait admis une semblable tendance ; tout, dans les écrits de ses disciples, montre que la tendance vers le centre d’un astre est propre, à leur avis, aux parties de cet astre. En 1626, Mersenne résumait[2] leur enseignement, lorsqu’après avoir donné cette définition : « Le centre de l’Univers est ce point vers lequel tous les graves tendent en ligne droite et qui est le centre commun des graves », il ajoutait : « On le suppose, mais on ne peut le démontrer ; car il existe probablement un centre particulier de gravité en chacun des systèmes particuliers qui forment l’Univers ou, en d’autres termes, dans chacun des grands corps célestes. »

  1. Nicolai Copernici De revolutionibus orbium cœlestium libri sex ; 1, I, c. IX ; Norimbergæ, 1543.
  2. Mersenne : Synopsis mathematica ; Lutetiæ, ex officina Rob. Stephani, MDCXXVI Mechanicorum libri p. 7,