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le choix des hypothèses

mas d’Aquin et toute la Scolastique ont reproduite et développée. Ainsi, conformément au grand principe de la Métaphysique péripatéticienne, la cause efficiente du mouvement des graves en est, en même temps, la cause finale ; elle s’identifie non avec une attraction violente exercée par le centre de l’Univers, mais avec une tendance naturelle qu’éprouve chaque corps vers le lieu le plus favorable à sa propre conservation et à l’harmonieuse disposition du Monde.

Telles sont les hypothèses sur lesquelles repose la théorie de la pesanteur qu’Aristote formule, que les commentateurs de l’École d’Alexandrie, que les Arabes et les philosophes du moyen âge occidental développent et précisent, que Jules-César Scaliger expose avec ampleur[1], à laquelle Jean-Baptiste Benedetti donne une forme particulière nette[2], reprise par Galilée même en ses premiers écrits[3].

Cette doctrine, d’ailleurs, s’est précisée au cours des méditations des philosophes scolastiques. La pesanteur n’est point, en un corps, une tendance à se placer tout entier au centre de l’Univers, ce qui serait absurde, ni à y placer n’importe lequel de ses points ; en tout grave, il y a un point bien déterminé qui souhaite de s’unir au centre de l’Univers, et ce point est le centre de gravité du corps ; ce n’est point n’importe quel point

  1. Julii Cæsaris Scaligeri Exotericarum exercitationum liber XV : De subtilitate adversus Cardanum, exercitatio IV ; Lutetiæ, 1557.
  2. J.-Baptistæ Benedicti Diversarum speculatiotium liber. Disputationes de guibusdam placitis Aristotelis, c. xxxv, p. 191 ; Taurini, MDLXXXV.
  3. Le Oere di Galileo Galilei, ristampate fedelmente sopra la edizione nazionale ; vol. I, Firenze, 1890. De motu, p. 252. (Cet écrit, composé par Galilée vers 1590, n’a été publié que de nos jours par M. Favaro.)