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le choix des hypothèses

cune des hypothèses que l’on compte employer, car un tel essai est impossible.

Quelles sont donc les conditions qui s’imposent logiquement au choix des hypothèses sur lesquelles doit reposer la théorie physique ? Ces conditions sont de trois sortes.

En premier lieu, une hypothèse ne sera pas une proposition contradictoire en soi, car le physicien entend ne pas énoncer des non-sens.

En second lieu, les diverses hypothèses qui doivent porter la Physique ne se contrediront pas les unes les autres ; la théorie physique, en effet, ne doit pas se résoudre en un amas de modèles disparates et incompatibles ; elle entend garder, avec un soin jaloux, l’unité logique, car une intuition que nous sommes impuissants à justifier, mais qu’il nous est impossible d’aveugler, nous montre qu’à cette condition seulement la théorie tendra à sa forme idéale, à la forme de classification naturelle.

En troisième lieu, les hypothèses seront choisies de telle manière que, de leur ensemble, la déduction mathématique puisse tirer des conséquences qui représentent, avec une approximation suffisante, l’ensemble des lois expérimentales. La représentation schématique, au moyen des symboles mathématiques, des lois établies par l’expérimentateur, est, en effet, le but propre de la théorie physique ; toute théorie dont une conséquence serait en contradiction manifeste avec une loi observée devrait être impitoyablement rejetée. Mais il n’est point possible de comparer une conséquence isolée de la théorie à une loi expérimentale isolée. Ce sont les deux systèmes pris dans leur intégrité, le système