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la structure de la théorie physique

thèses ne sont point, des suppositions sur la nature même des choses matérielles. Nos théories ont pour seul objet la condensation économique et la classification des lois expérimentales ; elles sont autonomes et indépendantes de tout système métaphysique. Les hypothèses sur lesquelles nous les bâtissons n’ont donc pas besoin d’emprunter leurs matériaux à telle ou telle doctrine philosophique ; elles ne se réclament point de l’autorité d’une École métaphysique et ne craignent rien de ses critiques.

La logique veut-elle que nos hypothèses soient simplement des lois expérimentales généralisées par induction ? La logique ne saurait avoir des exigences auxquelles il est impossible de satisfaire. Or, nous l’avons reconnu, il est impossible de construire une théorie par la méthode purement inductive. Newton et Ampère y ont échoué, et, cependant, ces deux génies s’étaient vantés de ne rien admettre dans leurs systèmes qui ne fût entièrement tiré de l’expérience. Nous ne répugnerons donc point à accueillir, au nombre des fondements sur lesquels reposera notre Physique, des postulats que l’expérience n’a pas fournis.

La logique nous impose-t-elle de ne point introduire nos hypothèses, si ce n’est une à une, et de soumettre chacune d’elles, avant de la déclarer recevable, à un contrôle minutieux qui en éprouve la solidité ? Ce serait encore une exigence absurde. Tout contrôle expérimental met en œuvre les parties les plus diverses de la Physique, fait appel à des hypothèses innombrables ; jamais il n’éprouve une hypothèse déterminée en l’isolant de toutes les autres ; la logique ne peut réclamer que l’on essaye à tour de rôle cha-