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la structure de la théorie physique

vus de tout sens physique. Un énoncé mathématique n’a de sens physique que s’il garde une signification lorsqu’on y introduit le mot à peu près. Ce n’est pas le cas des énoncés que nous venons de rappeler. Ils ont, en effet, pour objet d’affirmer que certains rapports sont des nombres commensurables. Ils dégénéreraient en simples truismes si on leur faisait déclarer que ces rapports sont à peu près commensurables ; car un rapport incommensurable quelconque est toujours à peu près commensurable ; il est même aussi près que l’on veut d’être commensurable.

Il serait donc absurde de vouloir soumettre au contrôle direct de l’expérience certains principes de la Mécanique ; il serait absurde de vouloir soumettre à ce contrôle direct la loi des proportions multiples ou la loi des indices rationnels.

En résulte-t-il que ces hypothèses, placées hors de l’atteinte du démenti expérimental direct, n’aient plus rien à redouter de l’expérience ? Qu’elles soient assurées de demeurer immuables quelles que soient les découvertes que l’observation des faits nous réserve ? Le prétendre serait commettre une grave erreur.

Prises isolément, ces diverses hypothèses n’ont aucun sens expérimental ; il ne peut être question ni de les confirmer, ni de les contredire par l’expérience. Mais ces hypothèses entrent comme fondements essentiels dans la construction de certaines théories, de la Mécanique rationnelle, de la théorie chimique, de la Cristallographie ; l’objet de ces théories est de représenter des lois expérimentales ; ce sont des schémas essentiellement destinés à être comparés aux faits.

Or, cette comparaison pourrait fort bien, quelque jour, faire reconnaître qu’une de nos représentations m